Il existe un repère, une manière d’étalon imaginaire, pour mesurer à la fois la puissance du génie de Louis-Ferdinand Céline, et, nous n’allons pas dire les états d’âme de la France car on ne sait plus très bien si la France a encore une âme, alors disons l’état mental de la France : c’est le report dans le temps.
Imaginons, nous sommes en 1925, et il s’agit de commémorer pour une raison ou pour une autre le génial Beaudelaire, auteur des scandaleuses Fleurs du Mal, dont la première publication partielle remonte à 1855, septante ans avant.
Entre ces deux dates, deux, voire trois générations ; entre ces deux dates, la guerre de 1870, la boucherie de 14-18. Dans le domaine de la culture et des arts, les écoles se sont suivies, chacune nouvelle rendant d’une certaine façon désuète la précèdente. Dans le domaine technique, des inventions ont fait suite à d’autres inventions qui ont profondèment transformé la vie quotidienne de millions d’individus.
Eh bien, imaginons que la décision d’intégrer Beaudelaire dans un programme de commérations entraîne une polémique enflammée qui divise la France et monopolise les esprits, que l’événement apparaisse pendant plusieurs jours à la Une des média, imaginons que l’accusation de délit d’« outrage à la morale publique » d’antan soit renouvelée, renforcée… que la situation soit si délicate qu’elle ridiculise un ministre du gouvernement français qui lâchement obéit au diktat d’un seul individu qui fait son commerce de se prétendre le représentant de la totalité d’une communauté qui défend « la morale publique », et que ledit ministre en conséquence gomme en un tournemain du programme le nom de Beaudelaire. Impensable, eh bien encore une fois oui, nous vivons dans l’impensable.
Mais aussi, cette « affaire Céline » nous permet de ressentir le grand froid, le froid glacial qui frappe tous et qui emporte tout, car soudain on se rend compte, la France entière se rend compte que depuis Céline, c’est comme s’il n’y avait pas eu de littérature ! pas de littérature qui compte, pas de littérature qui vaille !
Et puis enfin, sur un mode plus prosaïque, parce que la chose nous irite, qu’est-ce que c’est que cette histoire, cette justification sans nom, cet argument creux : « Céline était un salaud. » Et comment le savent-t-ils, ceux qui le proclament ? l’ont-ils connu, ceux qui le scandent ? y étaient-ils, ceux que cela arrange… et leur voisin, c’est un salaud ? savent-ils ce qui se passe dans sa tête, au voisin ? dans son journal intime qu’il écrit le soir à la petite lampe ? Céline, salaud… des preuves, et autres choses que les textes de ses œuvres littéraires s’il vous plait.
Outre une invitation à la lecture ou à la relecture de ce géant des lettres, « l’affaire » aura permis de mesurer la déliquéscence morale de la France et l’irrévercible décadence intellectuelle qui accompagne sa lente disparition.
Philippe Régniez
Directeur Les Editions de La Reconquête
« Comprenez, condamnés à mort ! tous les sangs des races de couleurs sont “dominants”, jaune, rouge ou parme… le sang des blancs est “dominé”… toujours ! les enfants des belles unions mixtes seront jaunes, noirs, rouges, jamais blancs, jamais plus blancs !… »
« Croyez pas que j’exagère… si je vous dis que demain la France sera toute jaune par les seuls effets des mariages, que toute la politique est conne, puisqu’elle s’occupe que des harangues et des mélis-mélos de partis, autant dire de bulles, que la seule réalité qui compte est celle qui ne se voit pas, s’entend pas, discrète, secrète, biologique, que le sang des blancs est dominé, que les blancs peuvent aller tous s’atteler, très vite, leur dernière chance… pousse-pousse ou mourir de faim… allez pas dire que j’exagère… »
« Seule la biologie existe, le reste est blabla !… tout le reste !… je maintiens, au « Bal des Gamètes », la grande ronde du monde, les noirs, les jaunes gagnent toujours !… les blancs sont toujours perdants, « fonds de teint », recouverts, effacé !… politiques, discours, faridoles !… qu’une vérité : biologique !… dans un demi-siècle, peut-être avant, la France sera jaune, noire sur les bords… »
« Rien à côté de ce que vous verrez… tenez par exemple, cette petite idylle entre votre femme de ménage, blanche et votre facteur, noir… sang dominé, sang dominant !… les jeux sont faits !… laissez aux somptueux chefs d’Etats le monopole du Vide, des Emphases, leurs gardes sur la bride, trompettes, fermez le ban ! j’aurais pu dire un facteur jaune, encore bien plus triomphal ! ça que nos princes ne parlent jamais, si absorbés, confondants divagants blablas… sang, blanc perdant !… et nous voici au Brésil !… Amazone !… au Turkestan !… aviation, fusées pour la Lune sont en tout et pour tout que bruits de gueule, clowneries… Il n’y aura plus de blancs. »
L-F Céline, Rigodon, 1961
Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes.
Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s’accomplit.
Les Beaux Draps - Louis-Ferdinand Céline
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire