Gastronomie textuelle

Le blog d'un Indo-Européen, un blog communautariste où nulle pitié, nulle vertu de "tolérance", nulle bienséance hypocrite envers mes ennemis ne seront exercées.

Un simple blog à tout faire, qui pourra évoluer, et qui compte présenter tout et rien : photos, articles de fond, analyse de l'actualité, témoignages du passé, visions du futur, cauchemars de l'ici écrasants, rêves de l'ailleurs évoqués.

Un blog, parmi tant d'autres, qui n'a pour seule prétention que de créer un espace sécurisé, sanctuarisé, une fenêtre sur ce qui n'est plus, ce qui devient et ce qui aurait dû advenir. Pourquoi l'orage souverain ?

De toutes les divinités indo-européennes, c’est le dieu de l’orage et de la guerre, que nous appellerons *Maworts, qui est le plus capable d’apparaître sous la forme d’un animal, généralement correspondant à sa nature complexe. C’est sous cette forme qu’il conduit vers un nouvel emplacement une jeune génération chassée par sa tribu selon le rite du printemps sacré, dans la tradition italique. Il fut un loup pour Romulus et Rémus, fondateurs de Rome, mais aussi a pu apparaître pour d’autres peuples sous la forme d’un taureau, d’un pivert, d’un cheval ou encore d’un ours.

Les animaux liés au dieu de l’orage et de la guerre et sous la forme desquels il peut apparaître, relèvent de plusieurs fonctions, qui peuvent se recouper. La première fonction est l’association à l’orage et à la foudre, et on retrouve le cheval (selon la croyance selon laquelle le son du tonnerre est dû aux chevaux du char du dieu), le pivert, animal qui comme la foudre pouvait selon la tradition abattre des chênes, le taureau, animal porteur de la foudre chez les Indo-Européens (et les autres Européens d’ailleurs), l’aigle de guerre ou le faucon, lui aussi porteur de la foudre entre ses serres, et enfin l’ours, animal capable de grimper aux arbres, donc lien entre le ciel et la terre, et pour cela associé au ciel intermédiaire, le ciel orageux (et auroral/crépusculaire).

La seconde fonction est l’association à la virilité, le dieu *Maworts étant le mâle parfait, la représentation idéalisée du mâle indo-européen. C’est pourquoi tous les animaux symbolisant la virilité et/ou la fécondité masculine sont associés au dieu. Il s’agit dans le désordre du bouc, du cheval là encore, du bélier, du taureau et de l’ours, et les Indo-Iraniens y rajouteront l’éléphant et le chameau, animaux inconnus des Indo-Européens. Le lion est absent de cette liste, car animal associé à la royauté céleste et au soleil, au dieu *Dyeus donc, et connu des Indo-Européens (i.e *singhos) car présent à l’époque préhistorique en Europe (« leo europaeus », éteint).

La troisième fonction est l’association à la guerre au sens strict, et sont ainsi retenus les animaux de nature belliqueuse. On retrouve les animaux déjà évoqués, à l’instar du bélier et du taureau (l’association de ce dernier à la couleur rouge, couleur symbolique du dieu guerrier, et qui le rendrait furieux remonte donc à une vieille histoire), mais plus généralement le cheval, animal utile au combattant, le loup, honoré pour sa valeur guerrière reconnue, et animal par excellence du dieu, mais aussi le corbeau, combattant mais aussi charognard, nettoyant le champ de bataille comme le vautour, autre animal de *Maworts. A cette liste, on retrouve d’autres animaux à la nature belliqueuse, comme le coq, le milan, le chat mâle (« matou ») et le chien.

T. Ferrier, PSUNE

A bientôt ici-même.

Le dieu indo-européen de l’orage apparaît donc comme l’ennemi privilégié du serpent du chaos sous ses deux formes principales, celle d’un dragon d’une part, celle d’un monstre tricéphale d’autre part. Ainsi, si Python et Jormundgand sont clairement des dragons, Vritra ou Typhon, bien que de nature ophidienne, ont trois têtes. Le combat entre Héraclès et Cerbère, chien tricéphale, s’apparente également à ce genre de combat.

Quant au nom originel de ce serpent destructeur, on peut penser qu’il contenait le terme de *ogwhis, “ serpent ”, ce qui est le cas du serpent de Midgard, Midgards Ormr, du serpent iranien Azi Dahaka, ou encore de l’ennemi de Perun, Zmei.

mercredi 31 octobre 2012

Bonne Samhain à tous et à toutes !


Ils ont planté des croix
Au détour des chemins
Ils ont couvert la voix
De nos vieux dieux païens
Ils ont montré du doigt
La joie de nos festins
Et muré dans les bois
Notre destin

Mais reviendra le temps
De nos fêtes barbares
Reviendra le printemps
La lueur de l’espoir
Sors de tes forêts Merlin
Nous montrer le chemin

 Ils ont coupé nos troncs
Pour en faire des bûchers
Et la tête aux Saxons
Pour pouvoir les sauver
Plus que le goupillon
Le sabre ils ont manié
Elle a triste renom
Leur vérité 

Mais reviendra le temps
De nos fêtes barbares
Reviendra le printemps
La lueur de l’espoir
Sors de tes forêts Merlin
Nous montrer le chemin

Ils ont gâché la mort
En inventant l’enfer
Ont humilié les forts
Au nom de leurs chimères
Ils ont éteint nos corps
Ils ont fait taire nos pierres
Et donné le remord
D’être fier

Mais plus loin que leurs saints
Les païens ne ferons qu’un.


http://europeanwolf.unblog.fr/2012/10/31/samhain/

vendredi 27 juillet 2012

Thor Heyerdhal, un héros pour le XXIe siècle


Il ne figurait même pas dans l'Encyclopédie Larousse en quinze volumes de 1982. Bien que son nom soit furtivement cité dans une note concernant le radeau Kon Tiki. Dans le Quid 2002, il apparaît dans l'articulet consacré aux expéditions de ses radeaux, le Kon Tiki, le Râ I, le Râ II et le Tigris. Lors de sa mort à 87 ans, le 17 avril 2002, une légère agitation médiatique, gênée et contrainte, retomba aussi vite qu'elle était apparue.

Et pourtant, Thor Heyerdahl demeure, pour le petit cercle réfractaire au crétinisme généralisé, un des hommes les plus géniaux du XXème siècle. Une âme étonnamment trempée à l'acier le plus pur de la contestation l'a fait paria quand le plagieur et imposteur Einstein partageait avec Lyssenko la chaire d'excellence dont la moindre réfutation est assurance de bûcher. Il est, néanmoins, le héros national de la Norvège, pays où la compétition est rude en cette matière. Son livre le plus connu, Kon-Tiki, traduit dans 67 langues, s'est vendu à des millions d'exemplaires et le film éponyme qu'il en a tiré aurait dû faire de lui, et à bien meilleur titre, le héros populaire qu'est devenu Jacques-Yves Cousteau. Mais, pour être adoubé dans ce monde là, il ne faut pas aller contre les idéologies de cour. Heyerdahl n'était pas homme à troquer sa vérité contre la faveur du temps. A la lumière des spotlights il a préféré les rudes combats anonymes et la misère hautaine du chercheur demeuré aventurier dans l'âme. S'il reste un inconnu pour l'immense troupeau, son message commence à séduire de jeunes mavericks anglo-saxons agacés que l'on prenne si facilement des vessies pour des lanternes et que soit falsifiée avec autant d'arrogance une Histoire devenue un tissu d'âneries.

Ainsi récemment Robson Bonnichsen, directeur du Centre pour l'Etude des Amériques Premières, à l'Université d'Etat de l'Orégon, reconnaissait en lui un « visionnaire en avance sur son temps ». Dennis Stanford, anthropologue au Smithsonian institute de Washington – celui qui se bat pour la reconnaissance de l'Homme de Kennewick – ou Walter Neves, de l'université de Palo Alto, reprenaient ses thèses sur les migrations post-néolithiques. Erika Hagelberg, généticienne à l'université d'Oslo, le disait plus brutalement : « Il va falloir que toutes les disciplines se décident à étudier les théories de Thor Heyerdahl. »


Crétinisme égalitariste 


Et ce n'est pas rien de venir ainsi se ranger aux côtés de celui qui, au soir de sa vie osait fracasser sur l'établissement pseudo-scientifique mondial quelques projectiles vitriolés qu'on aimerait voir plantés au fronton de toutes les universités d'Occident : « Plus je fais et plus je vois, plus je réalise l'immensité stupéfiante de l'ignorance existant dans les cercles académiques qui prétendent être des autorités et affirment détenir le monopole du savoir. »

Combler cette ignorance crasse des académies de toutes espèces ne se fera pas du jour au lendemain. Comme il paraît insurmontable de refouler des consciences ahuries les croyances les plus farfelues des dogmes d'airain. L'Amérique découverte par Colomb. Colonisée, il y a dix mille ans, et exclusivement, par des Mongoloïdes descendus du Détroit de Béring. Les gigantesques constructions pyramidales des jungles meso-américaines attribuées aux ancêtres supposés – Aztèques, Mayas, Incas – des pauvres hères qui, aujourd'hui, grattent la terre alentour. La diffusion à travers le Pacifique d'étonnantes civilisations dont les schémas incohérents n'intriguent personne. Et les mythes, les légendes, les parentés universelles que la science académique, impavide, explique par des déterminismes génétiques selon lesquels tous les hommes étant semblables on ne saurait s'étonner qu'indépendamment de toute influence exogène ils en viennent fatalement à découvrir un jour les mêmes secrets et les mêmes techniques. De l'agriculture à la ziggurat monumentale, la duplication des mêmes gestes conduit tôt ou tard, à les en croire, aux mêmes expériences.

C'est à ce type de crétinisme que la « science » marxiste de l'égalitarisme et de l'unicité du monde et des hommes a fini par conduire. Thor Eyerdahl aura lutté toute sa vie contre une telle régression intellectuelle.

Une formidable logique aura guidé chacune de ses expéditions. La première, la plus célèbre, celle du Kon-Tiki, montra que des hommes embarqués au Chili sur des radeaux de balsa pouvaient atteindre la Polynésie. La chose n'était pas innocente et l'académie lyssenkiste réagit aussitôt en dénonçant l'infaisabilité du projet. Lorsqu'il fut réalisé en 1947 et que les navigateurs nordiques, après 107 jours de traversée, se furent échoués sur l'atoll de Raroia aux Tuamotous, il fallut des années aux protagonistes de l'opération pour parvenir à entrouvrir certaines portes, et quatre ans pour que le film le Kon Tiki commence enfin son éblouissante carrière cinématographique planétaire.

Pour la science encadrée, les Polynésiens étaient des Asiatiques arrivés par sauts de puce depuis la Malaisie. Certains osaient imaginer une descente de tribus « indiennes » depuis la future Californie. Mais qui se fut risqué à imaginer un peuplement de la Polynésie à partir de l'Amérique du Sud ? L'île de Pâques intriguait mais pas plus que les extraordinaires cités monumentales dites « pré-colombiennes ».

Heyerdahl avait de la pré-Histoire une conception qui ne pouvait plaire aux Académies.

Qu'y avait-il avant ? 

 

Ses autres expéditions mirent le feu aux poudres. Râ I et Râ II, en plus montrant qu'on pouvait rallier l'Egypte aux Caraïbes dans des radeaux de papyrus, apportèrent une explication rationnelle aux étranges ressemblances existant entre constructions monumentales d'Egypte et d'Amérique précolombienne. Le périple du Tigris, en 1977 – 4200 miles en 144 jours à travers l'Océan Indien – prouva que l'expansion de Sumer ne se fit pas seulement par la terre, comme on l'a cru longtemps. Ce fut d'ailleurs la grande contribution de Heyerdahl à la connaissance des mystères du passé : le rôle fondamental joué par les océans, à partir du Néolithique, dans la diffusion des civilisations antiques. Les statues de Fatu Hiva aux Marquises ressemblent trop à celles qu'on trouve en Amérique du Sud pour que ce ne soit qu'un hasard. Les pyramides à escaliers des Canaries, l'archipel des mythiques Guanches, ces Berbères dont l'Histoire prétend avoir perdu la trace, se trouve à mi-chemin entre l'Egypte et l'Amérique du Sud. Non seulement Thor Eyerdahl conteste que Christophe Colomb ait découvert quoi que ce soit, non seulement il reconnaît que 500 ans avant lui ses ancêtres Vikings s'étaient bien installés dans le Vinland et au-delà mais, affirme-t-il dans une sorte de provocation, « je dis qu'aucun Européen n'a jamais découvert autre chose que l'Europe... ». C'est dire que tout avait déjà été « découvert » bien avant qu'on ne le croit. Et que ne le prétend une mystification historique terrifiée que des peuples de géants aient dominé la planète en des temps que le progressisme bêtifiant assure avoir été celui de brutes vêtues de peaux de bêtes.

On tombe alors sur des vérités qui font trembler. Sur la présence par exemple dans le sud du continent américain de squelettes d'hommes non-mongoloïdes - australoïdes - bien antérieurs à la présence des ancêtres des « Indiens » sur ce continent. On rejoint les formidables travaux du Professeur de Mahieu sur la civilisation inca créée par les clans vikings qui accompagnaient le yarl Ullmann à la fin du Ier millénaire. Les communautés polynésiennes « blondes » découvertes par les premiers navigateurs européens en différents archipels du Pacifique. On rejoint aussi l'Homme de Kennewick, la « civilisation Clovis » du Sud Texas et ses pointes de flèches superbement solutréennes, la présence aux Etats-Unis de milliers de sites mégalithiques, la forte imprégnation de certaines langues indiennes par des termes, des formules et des signes gravés phéniciens et tamazight. L'obligation de reconnaître la présence na-dene, cette nouvelle classification linguistique, partie de l'ouest du Maghreb, remontée pour le Pays Basque, traversant toute l'Eurasie, pour aller se perdre chez certaines tribus du nord-ouest des Etats-Unis. On s'interroge sur les Aïnous, sur les dolmens des Nouvelles Galles du Sud, sur certaines légendes des Aborigènes australiens évocatrices de géants blancs qui habitaient le sud du continent du temps qu'il était verdoyant. Et qui un jour s'embarquèrent vers l'Est.

Derrière la remise en cause des dogmes imposés par le lyssenkisme idéologique, Thor Heyerdahl a jeté les bases d'une nouvelle lecture de l'Histoire et de la Préhistoire. C'est, à terme, un séisme de grande magnitude qui a été initié. Une reconsidération complète de la vision du monde falsifiée qui prévaut aujourd'hui. Elle ne se fera, on s'en doute bien, que dans les pays qui possèdent encore un minimum de liberté d'expression. Les Etats-Unis en premier. Dans ceux qui, comme en France, sont assujettis à des lois soviétoïdes du type loi Gayssot, il est peu probable que l'on voie se développer des études en ce sens. Il reste néanmoins que le vent qui se lève soufflera même sur les lieux les mieux gardés.

« Il y a quelque 5000 ans, pour une raison inconnue, une civilisation disparut de son site originel et s'établit le long du Nil, sur les berges des rivières mésopotamiennes, au bord de l'Indus... portée par des hommes barbus qui construisaient des bateaux de lianes, par des astronomes qui adoraient le soleil et lui élevaient des pyramides à escaliers telles qu'on en trouve en Egypte, en Mésopotamie, au Mexique, en Bolovie, à Ténérife. Il est impossible que de telles civilisations se soient developpées brusquement en une seule génération ou même en un siècle : il y avait quelque chose avant... » (Thor Heyerdahl).

par Aymeric GAUL, publié dans Réfléchir & Agir n° 12 – Eté 2002

Myths of the Norsemen From the Eddas and Sagas ("Mythes des hommes du Nord, à travers les Eddas et les Sagas")



Quelques magnifiques images extraites du livre Myths of the Norsemen From the Eddas and Sagas, de H. A. Guerber (1909). Pour les lecteurs assidus ayant du temps, il est vivement recommandé de parcouri cet ouvrage sinon fondateur, du moins très recherché et intelligent dans sa rédaction et sa compréhension recomposée de l'esprit nordique antique. Lien vers le livre sur Le Projet Gutenberg : http://www.gutenberg.org/files/28497/28497-h/28497-h.htm













dimanche 11 septembre 2011

Raiponce/Tangled/Rapunzel : retour sur un film d'animation purement européen





Raiponce (titre français) est un film d'animation des studios Disney sorti au cinéma début Décembre 2010. Inspiré de traditions et de contes allemands, mais plus largement européens, Raiponce s'est imposé d'emblée à nos yeux comme un phénomène, comme un instant magique plein de vitalité et de retour aux sources. Ce qui était sans doute prévu pour être un divertissement tout publics, mais visant particulièrement les enfants, est devenu pour nous un symbole, un chef d'œuvre majoritairement conscient, mais dont une part reste inévitablement involontaire. Qu'importe. Car oui, nous pensons pouvoir affirmer que Raiponce est un film entièrement européen, des racines aux branches, des intentions aux expressions. Pour démontrer, étayer et développer cette affirmation, nous étudierons plusieurs points : les influences historiques et littéraires du récit, les lieux ainsi que la dynamique des représentations graphiques utilisées, les personnages, la morale. De plus, nous ne lirons pas l'identité européenne que dans les reliefs, mais aussi dans les creux, à savoir dans ce qui n'est ni dit, ni montré.

Nous ne permettrons d'ailleurs à personne de conspuer, moquer ou tourner en ridicule un film que tout éloigne de la naïveté, aux dialogues si soignés dans une telle ère de décomposition langagière, aux possibilités aussi grandes. Nous acceptons la discussion sur des points de détail de façon argumentée, mais en aucun cas nous ne saurions tenir compte de provocations puériles concernant le média, le support utilisé, à savoir le film d'animation. Quiconque n'a pas vu ce film ne peut de toute façon pas bien saisir les implications magnifiques de ce genre d'œuvre, et du pourquoi de sa promotion par nous faite. D'ailleurs, tout cela est plutôt logique : les studios Disney sont encore majoritairement composés d'Américains euro-descendants, de Français, d'Allemands, d'Anglais, d'Italiens, etc. Malgré certaines déviations et certains messages mainstream (politiquement correct) propagés dans quelques unes de leurs productions (on peut ici penser particulièrement à Pocahontas, Le Roi Lion ou encore Tarzan), l'âme des dessins animés Disney est toujours demeuré européenne. Il n'est pas jusqu'au fameux Aladdin qui ne soit la traduction européano-centrée des Mille et une Nuits. Rien d'étonnant donc à ce que, inopinément, nous soit pondu une perle de culture européenne sous forme d'animation 3D de grande qualité.

Les prémisses de nos buts et observations posées, passons à la première des analyses, celle du contexte et de l'inspiration.

I- Raspunzel et les frères Grimm : retour aux sources populaires européennes

Illustration de Johnny Gruelle

En effet, Raiponce ne sort pas du néant ou de l'imagination fertile de certains collaborateurs géniaux. Ce film n'est jamais « que » l'adaptation très moderne d'un vieux conte allemand, Raspunzel, collecté par les frères Grimm (Jacob et Wilhelm) dans leur premier recueil des Contes de l'enfance et du foyer, Kinder- und Hausmärchen (1812). Il importe ici de faire une longue digression sur ce recueil et sur la période qu'il caractérise. Les frères Grimm vont en effet entreprendre de se lancer sur la trace des contes populaires après avoir été influencés par l'école des écrivains romantiques, particulièrement représentée à l'Université de Marbourg. Toute la suite de leur vie sera marquée par ces recherches, qui aboutiront à 7 éditions successives, la dernière du vivant des deux frères ayant pour date 1857. Au total, 211 contes seront compilés, avec toutefois des qualités et des provenances inégales. Effectivement, on peut raisonnablement distinguer trois types de contes rapportés par Grimm : les contes populaires, recueillis auprès de conteurs (Dorothea Viehmann, couturière cultivée aux racines françaises que les frères Grimm décriront pourtant comme une paysanne hessoise), de familles huguenotes telles que les Hassenpflug et les Wild, qui leur font découvrir plusieurs contes d'origine française; secondement, ils s'inspirent également de la plume de Charles Perrault, dont les histoires, cependant, étaient non seulement issues de la tradition orale mais aussi puisées dans des recueils de collecteurs français et italien, comme Giovanni Francesco Straparola et, surtout, Giambattista Basile, en qui les Grimm reconnaissent d'ailleurs le premier écrivain à avoir collecté des contes dans un recueil spécialement consacré à ce genre de récit. Enfin, on suspecte les frères Grimm d'avoir inventé certains de leurs contes afin d'étoffer les recueils.

Qu'importe. Ce qui caractérise ces contes, c'est la visée éducative, qui néanmoins ne s'imposera jamais vraiment que plus tard, lors des rééditions successives. Les premières demeurent des compilations de contes crûs, parfois encore gorgés de rudesse paysanne, et de sagesse traditionnelle. Provenant de territoires et de personnes variées, mais toutes liées par un fond culturel commun, ces contes font se côtoyer l'ogre, la sorcière, le prince charmant et les farfadets dans des rondes étourdissantes, encore non expurgées de leur violence intrinsèque et parfois de leurs références sexuelles. L'influence du christianisme et les pressions de la société ne se feront sentir que tardivement, en amenant les Grimm à devoir modifier certains détails afin de rendre les histoires « supportables ». Elles n'en demeureront pas moins très fortement identitaires, au vu du souffle païen qui les traverse constamment. Car si la Renaissance semble avoir été celle de l'Antiquité classique, gréco-romaine, le XIXe siècle romantique lui incarne le parfait renouveau spirituel (non physique, bien sûr) de l'Antiquité païenne dans sa globalité, du terroir européen originel, de l'étude des Celtes, des Teutons, des Gaulois; avec le romantisme naîtront le fantastique, la fiction pure, l'horreur et la fantasy dont Tolkien s'empara si bien. On voit se dessiner à cette époque, en réaction au capitalisme industriel écrasant et au libéralisme politique triomphant, une bouffée de nostalgie et de recherche des racines dans un monde profondément déstabilisé. Sans oublier les naissances de genres littéraires nouveaux, parfois dues à l'impulsion de génies.

Tels Andersen. Andersen, enfant danois pauvre et sale, vilain petit canard dont les pièces de théâtre et les poèmes étaient systématiquement refusés par une critique absurde autant qu'anonyme, et qui finalement s'imposa, d'abord à l'étranger puis dans son pays par ses 156 contes, tous écrits de sa main. Or, et c'est ce qu'il importe de remarquer, à cette époque (milieu du XIXe siècle), le conte ne constitue pas un genre littéraire à part entière, ni au Danemark, ni ailleurs. Les frères Grimm ne constituent pas le meilleur exemple de cette absence de représentation, s'étant contentés de compiler des contes pré-existants; Andersen, lui, créé. Il créé à tour de bras, en fonction des influences qui sont les siennes et qui se résument somme toute assez facilement :
1. Les récits qu'il a entendus dans son enfance et parmi lesquels se trouvent Les Mille et Une Nuits d'où il tire Le Briquet ou La Malle volante, ainsi que les contes traditionnels scandinaves d'où vient la Princesse au petit pois.
2. L'observation de la vie quotidienne, les histoires vraies et les choses vues. La forme littéraire du conte tel qu'il la pratique : style direct, phrases concises, peut se confondre avec certains passages de ses récits de voyages. Notamment dans Le Voyage dans le Hartz, après avoir vu à Brunswick la pièce Trois jours de la vie d'un joueur (adaptation allemande de Trente ans ou la vie d'un joueur de Victor Ducange), il s'embarque dans un conte qui part de la pièce de théâtre pour aboutir à une histoire de prince.
3 . Autobiographie directe, sa propre vie : (Le Vilain Petit Canard) ou indirecte, la vie de sa famille ou de son entourage: l'histoire de sa grand mère misérable (La Petite Fille aux allumettes).

Le Roi de la Mer - Edmund Dulac, 1911
Des trois sources, il tire des éléments résolument féériques ou fantastiques. C'est en cela principalement que cette grande époque des contes et du romantisme féérique possède une unité : Grimm ou Andersen communiquent à travers leurs contes une redécouverte d'un monde étranger, magique mais selon des usages oubliés, un monde où les animaux peuvent parler, où les sources possèdent d'étranges pouvoirs, où les héros peuvent subir les pires vexations et où dans les bois silencieux, dans les fonds marins et dans les montagnes sévères gisent des esprits et des créatures mystérieuses. Le deuxième point qui rassemble ces compilations, malgré leurs origines dissemblables, c'est bien sûr la morale. Bien qu'Andersen se défendra d'avoir créé ses contes uniquement pour les enfants (pourtant les recueils publiés de 1832 à 1842 en six brochures, portent bien le titre : Contes pour enfants, titre qu'il ne reprendra pas, une fois la gloire venue, dans sa deuxième série de 1843-1848), ceux-ci comme ceux des Grimm contiennent principalement des propriétés éducatives à l'égard des jeunes filles et jeunes hommes, et des leçons significatives sur la vie, ses conséquences et ses dangers. Néanmoins, on est loin une fois encore de l'idéal chrétien absolu, et ce pour une raison exceptionnelle qu'il nous faut noter : le monde du conte, par son rattachement à deux traditions, celle de la vie populaire, des champs et des forêts, hors du temps et de l'espace, et celle de l'histoire européenne, de ses évolutions marquées par la monarchie et le réalisme matériel, le monde du conte donc est inévitablement un univers parallèle, différent bien que possédant des points d'attache dans le nôtre. En ceci, il est supérieur car il permet d'idéaliser une société, un modèle sans lui imposer tous les attributs pesants qui sont les siens dans notre réalité.

Ce qui déplût largement aux autorités ecclésiastiques en général, qui n'en firent jamais la promotion sans toutefois pouvoir l'interdire. Car dans les contes, de Grimm comme d'Andersen, point d'Eglise, point d'évêque, point de Dieu, de sacrements, de sacristie, de baptistère, de croix ou de pape; tout paraît différent, plus aéré, plus aérien par le simple truchement de la disparition d'un pan entier de notre patrimoine (architectural, culturel, religieux, voire politique). Les attitudes et les comportements des protagonistes demeurent souvent calqués sur ceux de notre monde, mais sans l'arrière-plan historique qui les a formé, cela produit un décalage exotique, rafraichissant et parfois excitant. En ceci, les contes traditionnels reformulés et présentés à l'écrit de ce XIXe siècle foisonnant ne sont pas anti-cléricaux, ou même engagés dans une position relative face à l'Église et au pouvoir religieux : ils expriment simplement une réalité alternative, permettant de re-combiner les traces encore très importantes du paganisme et des sociétés traditionnelles pré-chrétiennes avec l'évolution des mœurs consécutives à l'implantation de cette dernière. Nous pensons qu'il s'agit là, encore une fois, d'une orientation et d'une option intéressantes pour notre avenir, nous pensons qu'il s'agit là d'un esprit de synthèse profitable à nos temps. Et qu'une fois de plus, le passé nous donne les clés du futur. W.H. Auden (d'ailleurs contestable à d'autres points de vue) durant la Seconde Guerre mondiale, célèbrera le recueil des frères Grimm comme l'une des œuvres fondatrices de la culture occidentale. De la même manière, les Nationaux-Socialistes allemands les louaient comme des contes populaires montrant des enfants aux instincts raciaux sains en quête de conjoints « purs » concernant la race mais aussi les qualités morales et spirituelles, à tel point d'ailleurs que les forces alliées mirent en garde contre ces récits.

Pour en revenir à Raspunzel, après cette longue parenthèse, il serait bon de présenter la fiction elle-même avant de comparer l'adaptation qui en fut faite au cinéma. L'histoire se déroule comme suit : Une femme et son mari désirent plus que tout avoir un enfant. Ils vivent près d'un somptueux jardin, protégé par un grand mur, appartenant à une sorcière. La femme est prise d'une très forte envie de manger de la raiponce (campanula rapunculus), et son mari s'introduit dans le jardin, qui en contient beaucoup, pour lui en cueillir.
Après lui avoir apporté plusieurs fois de cette plante qu'elle adore, l'homme se retrouve face à la sorcière qui règne sur le jardin. Comme la sorcière veut le punir, il lui explique la situation. Elle se montre compréhensive, lui permet de prendre autant de raiponce qu'il le peut, mais à la condition qu'il accepte de lui apporter plus tard l'enfant que sa femme lui aura donné. La sorcière promet au futur père qu'elle s'occupera bien de l'enfant. Il est forcé d'accepter.

La femme accouche d'une fille, et la sorcière apparaît pour l'emporter, lui donnant le nom de « Raiponce ». Raiponce grandit et devient une fille d'une très grande beauté, dont les longs cheveux dorés sont réunis en deux tresses longues et soyeuses.
Lorsque Raiponce atteint l'âge de douze ans, la sorcière l'enferme au sommet d'une haute tour, qui n'a ni escalier ni porte, rien qu'une petite fenêtre. Lorsque la sorcière veut entrer, elle dit à Raiponce : « Raiponce, Raiponce, descends-moi tes longs cheveux ». Raiponce défait alors ses nattes, les déroule à travers la fenêtre et les laisse tomber le long du mur, pour que la sorcière puisse grimper en s'y suspendant.

Un jour, un prince qui passe par là entend Raiponce chanter et est envoûté par le son de sa voix. Ne pouvant pénétrer dans la tour, il s'en approche cependant chaque jour pour l'écouter. Voyant un jour, caché, comment la sorcière parvient à entrer dans la tour, il décide de tenter sa chance la nuit. Lorsqu'il entre enfin dans la tour, Raiponce est effrayée par l'apparition de cet inconnu, mais le prince parvient à la rassurer et lui dit qu'il est amoureux d'elle. Confiante en son amour et prête à quitter cet endroit, elle décide de partir avec lui. Elle lui demande alors d'apporter de la soie, comptant s'en servir pour pouvoir elle aussi descendre au pied de la tour.

Mais un jour, Raiponce parle accidentellement à la sorcière des visites du prince. Furieuse, la sorcière la punit en lui coupant les cheveux et en l'abandonnant dans le désert. Elle attache ensuite les cheveux coupés à la fenêtre pour tromper le prince lorsqu'il appellera Raiponce. Lorsque ce dernier escalade la tour, la sorcière lui annonce qu'il ne reverra jamais la jeune fille, puis sectionne la corde de cheveux. Le prince dégringole dans un buisson de ronces et y perd la vue (dans une autre version, le prince tombe dans un buisson de roses qui lui crèvent les yeux). Il se met à errer aveugle pendant des années, pleurant sa bien-aimée. Il finit par arriver dans le désert où vit désormais Raiponce. Il reconnaît sa voix et s'approche d'elle. Raiponce le reconnaît aussi et vient pleurer, suspendue à son cou. Ses larmes coulent dans les yeux du prince qui recouvre aussitôt la vue. Le prince amène Raiponce dans son royaume et ils y vivent heureux, avec plus ou moins d'enfants selon les versions.


Dans Raiponce, Disney, ayant jugé trop violente pour être adaptée à l'écran la version originelle (yeux crevés, exil dans le désert, etc.), remplace le prince charmant par un voleur, orphelin fanfaron, ayant dérobé la couronne royale qui, pourchassé par la garde, se perd dans la forêt et tombe par hasard sur la tour où vit en secret la princesse Raiponce. Elle y est en effet retenue prisonnière, comme dans le conte original. Plusieurs années auparavant, une vieille sorcière, nommée Mère Gothel, assista à une pluie d'une unique goutte de pure lumière, une goutte de soleil, qui donna naissance à l'endroit où elle tomba sur le sol à une fleur magique ayant la capacité de soigner les blessures et les maladies, et de prolonger la vie. Elle l'utilisa égoïstement fort longtemps pour rester jeune, et invoquait ses pouvoirs en chantant :

"Fleur aux pétales d'or, répands ta magie, inverse le temps, rends-moi ce qu'il m'a pris, ce qu'il m'a pris."

Des années plus tard, la reine du royaume voisin, qui s'était développé, tomba malade alors qu'elle attendait un enfant. Ses gardes, ayant pour mission de découvrir la fleur légendaire, la cherchèrent dans la forêt avec acharnement. Ils la trouvèrent une nuit et la cueillirent, alors que la sorcière Gothel était cachée non loin. De retour au château, l'on fabriqua un breuvage avec la fleur, ce qui sauva la reine. Cette dernière donna naissance à une fille à la magnifique chevelure blonde nommée Raiponce. Une nuit, Gothel pénétra dans le château et voulut couper une mèche des cheveux du bébé, pensant que les pouvoirs en seraient conservés. Mais les cheveux perdaient leur lumière d'or ainsi que leurs pouvoirs une fois coupés. Elle kidnappa alors l'enfant et la retint dans sa tour, cachée dans la forêt. Elle éleva l'enfant comme sa propre fille, se servant de ses cheveux pour conserver sa jeunesse, et l'empêchant de jamais sortir. Malgré le temps qui passait, chaque année à l'anniversaire de Raiponce, le royaume envoyait des milliers de lanternes volantes dans le ciel en souvenir de la princesse disparue. Raiponce assistait à ce spectacle qui la laissait perplexe et dont elle rêvait de comprendre la signification.

L'histoire se déroule par la suite avec une régularité et un rythme fascinants, respectant toutes les grandes lignes d'un conte traditionnel tout en innovant ponctuellement, sans jamais tomber dans la vulgarité, la facilité ou la pauvreté inhérentes à notre époque. Les lieux qui y sont représentés et traversés sont de la première importance, en ceci qu'ils transmettent un message et une image du film tout entier et de l'univers que l'on prétend décrire par leur simple apparition. Il serait donc bon de nous y arrêter.

II- Les lieux de Raiponce : parfait exercice de style romantique et européen, graphismes aryanisant


A) Les lieux du récit

On ne peut aborder Raiponce sans parler de l'intensité des paysages et des lieux qui y sont présentés. Ils sont, grossièrement, au nombre de quatre : le château, la forêt, la tour, la taverne. On peut d'abord s'arrêter sur une intéressante observation grammaticale et lexicale : dans les contes dont nous avons parlé, les lieux (aussi bien que les personnages) sont quasi-systématiquement anonymes. Impersonnalisés, ils ne possèdent pas de nom, pas de localisation géographique exacte, pas de référencement historique identifiable. En ceci, ils se rattachent tous au château du Graal de la légende arthurienne, où vit le Roi-pêcheur et qui semble n'exister que dans les brumes indiscernables de la conscience populaire et de chacun. L'utilisation des articles, définis ou indéfinis, est permanent. Dans les contes de Grimm, il n'y aura jamais que « le » fleuve, « le » village, « un » pêcheur, « la » reine, etc. On n'a pas de rattachement à une réalité terrienne quelconque, et cela implique beaucoup de choses : cela fait ressentir le côté lointain, d'abord, des récits. Ensuite, cela entoure chaque histoire, chaque fable de mystère, et d'un mystère propice aux légendes et aux mélanges entre fiction et connaissance. Enfin, cela permet d'écarter des questions (qui ? Où ? Quand ?) qui sont présentées justement comme des détails, gênant la bonne progression d'une histoire dont le but est de montrer, de faire croire, de faire comprendre. Et ces lieux, ces places de l'action ou du récit sont toujours constituées de références et de référentiels européens, très ancrés dans la conscience collective, le château, la masure, la forêt sombre ou verdoyante, le donjon, le manoir, les champs, etc. Parfois plus anciens et déformés que cela, ils correspondent à des cercles de pierre, à des autels en forêt, à des fontaines et autres sources sacrées, mystiques.


Le château tout d'abord. Il est le cœur du royaume, de facto constitué par la place forte entourée de sa ville. Le château résume à lui seul l'idée de la monarchie dans les contes traditionnels et populaires, une monarchie idéalisée mais qui correspond pourtant à la définition quintessentielle de sa philosophie terrestre. Nous y reviendrons lorsque nous nous pencherons sur la figure du couple royal. Le château est une vision spontanée et saisissante : au milieu d'un lac entouré par les montagnes et la forêt, donc dans un endroit reculé, se dresse le château flanqué de son bourg. Une seule route y mène, un long pont/digue qui aboutit à un corps de garde. L'ensemble est ravissant, et arrangé avec un goût exquis. En effet, le corps de garde ainsi que la majorité des ensembles architecturaux « défensifs » sont français, XVIe-XVIIe siècles; le château en lui-même est autrichien, XVIIIe siècle; les maisons et les rues, commerçantes, sont un condensé d'architectures urbaines d'Europe centrale et occidentale allant du Moyen-Âge central jusqu'à la première Renaissance. L'intérieur du château lui-même mélange harmonieusement quelques touches encore gothiques avec un ensemble plus baroque mais délicieusement équilibré, épuré. Le château représente pour beaucoup le pouvoir, le centre de la vie politique; en fait, le château représente surtout le paternalisme, la protection et la bienveillance. Ici, on peut le voir trôner au sommet de son éminence, entouré par la ville qui se presse contre lui avec affection. Il lance ses délicates flèches vers le ciel dans un monumentalisme pourtant toujours à échelle humaine. Car c'est cela, la différence entre le monde d'avant et le monde d'aujourd'hui : la disproportion, dont le laboratoire expérimental furent les États-Unis. Cette disproportion qui écrase les habitants des villes, qui leur donne des rêves de conquête de Dieu ou qui réduit leurs espoirs à néant. Ici, les bâtiments ont taille humaine, même lorsqu'ils sont grandioses. 
 
Le château, ou disons le royaume, est constitué d'honnêtes gens, travailleurs, aimables, et surtout fidèles à leur roi bon et aimant. Le royaume tout entier partage la douleur de la perte de la princesse, et c'est pourquoi chaque année, à la date anniversaire, le peuple tout entier se joint au couple royal, afin de lancer des lanternes dans le ciel enténébré, signe d'espoir et de commémoration. Le royaume correspond parfaitement à la description en dehors du temps et pourtant si proche des lieux du conte populaire. De plus, le château et son implantation demeurent étroitement liés au monde féodal, et donc à celui de la paysannerie. Comme ce dernier, ils incarnent l'idée de la Race. D'ailleurs, le mot « race » a longtemps été utilisé au sens de lignée, de famille, de souche : on parlait de la race des Maugiron, des Montmorency, des O'Connor. Le château est la représentation physique de la Race et de son évolution à travers le monde, il est l'indicateur de la stabilité du sang et de sa prospérité. Théophile Gauthier ne faisait-il pas dire à son héros : « Mon pauvre castel tombe en ruines comme la race dont je suis le dernier » (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 34) ? D'ailleurs, il est le lieu de naissance de Raiponce, et l'endroit inévitable de sa redécouverte de ses origines. Gardée dans l'ignorance pendant près de 20 ans, elle accomplit un retour initiatique vers ses racines et sa famille, vers le château et le royaume. Bien que ceci constitue un exemple de première importance des morales inconsciemment dispensées par ce film (nous le croyons), nous y voyons comme un avertissement de bon aloi : peu importe la falsification et le mensonge quand à notre passé et nos ancêtres; la quête du Soi et le rejet de l'Autre usurpateur (Mère Gothel) triomphe toujours de l'illusion.

La forêt est aussi un lieu de première importance. Deux citations nous permettront d'introduire la forêt en tant qu'objet fondamental de la culture européenne :

« Les forêts ont été les premiers temples de la Divinité, et les hommes ont pris dans la forêt la première idée de l'architecture. »
Chateaubr.,
Génie, t. 2, 1803, p. 24.

« Il n'est pas un site de forêt qui n'ait sa signifiance; pas une clairière, pas un fourré qui ne présente des analogies avec le labyrinthe des pensées humaines. »
Balzac, Curé vill., 1839, p. 150.


Si forêt et bois sont effectivement des emblèmes de la vie primitive, supports de rêveries sur "l'homme sauvage" (c'est-à-dire, au sens propre, "l'homme des bois"), les forêts, par leur caractère lugubre et sombre, les arbres, par la majesté de leur port, la durée de leur existence, suscitaient aussi dans l'esprit de nos ancêtres un profond sentiment de sacralité. Aussi les voit-on jouer un rôle dans le culte de nombreuses sociétés anciennes ou plus récentes. Les végétaux arborescents sont souvent, sinon adorés comme des divinités (dendolâtrie), regardés du moins comme leur demeure. Dans la Grèce, le culte des arbres, la consécration des bois et des bocages remontent à l'aurore de la société. Ils formaient en particulier le trait distinctif de la vieille religion de Dodone. Les chênes de Dodone consacrés à leur grand dieu, Zeu ou Iou, furent longtemps regardés comme doués de cette même vertu prophétique que l'on attribuait plus anciennement à tous les arbres des forêts sacrées. En effet les oracles les plus célèbres, ceux de Claros, de Thymbra, d'Olympie, de Charax en Carie, étaient placés au voisinage de bois sacrés.

Les Grecs donnaient le nom d'alsos, et les Latins de lucus à ces forêts sacrées. Les premiers réservaient le nom drumos, drumôn, à des forêts plantées surtout de chênes et d'ulè, aux forêts profondes, aux forêts vierges. Les Latins appelaient nemus un parc, une pépinière, et désignaient l'ulè sous le nom de sylva, mot qui en est dérivé. Par synecdocque le mot ulè s'est appliqué dans la suite au bois, à la matière, sens qu'il prit, surtout à l'époque alexandrine. Tandis que par un rapprochement inverse d'idées le mot lucus, bois, est dérivé de lignum, bois (anglais lig, italien legno, espagnol leña). Au fond de ces forêts, de ces bocages sacrés, on s'imaginait que des divinités qui veillaient à la conservation des arbres, avaient placé leur séjour. Pour les Grecs c'étaient les Dryades, les Hamadryades, les Napées et Artémis Agrotera leur reine, la déesse de la chasse et des lieux champêtres; enfin Pan et les Panisques. Les mêmes divinités reçurent chez les peuples italiques les noms de Sylvains, de Faunes. C'est aux premiers de ces dieux, dont les Anciens eux-mêmes ont reconnu l'origine la plus primitive, que les paysans latins adressaient des prières pour la conservation de leurs troupeaux Palès, qu'invoquait le pâtre sicilien et auquel il faisait des libations de lait, résidait caché au fond des forêts. Ce culte champêtre se conserva longtemps en Italie, et sur la via ostiensis, un arbre consacré aux dieux attirait encore la vénération des habitants, quand saint Audacte vint y prêcher la foi chrétienne. Lucain décrit une forêt sacrée près de Marseille. L'armée de César n'osait y toucher : le premier il y porta la hache; et les troupes, rassurées en voyant que les divinités des bois ne l'avaient pas foudroyé, secondèrent ses efforts.

Le culte des forêts, des arbres et des bocages se rencontre également chez toutes les populations germaniques. « Lucos ac nemora consecrant », dit Tacite en parlant des Germains. « Deorumque nominibus appellant secretum illud, quod sola reverentia vident. ». Le même auteur a parlé de la forêt des Semnons et du castum nemus, consacré à Hertha. Les chênes de la forêt Hercynie, de même que ceux des forêts druidiques, recevaient, à cause du respect qu'inspiraient leurs troncs séculaires, les vœux, les offrandes et les sacrifices des peuplades qui les visitaient. En Germanie comme en Gaule, cette religion résista longtemps aux efforts de l'apostolat chrétien, et il fallut l'intervention de l'autorité laïque, les menaces de la loi pour l'extirper définitivement. Encore se conserva-t-elle dans les deux pays, sous une forme déguisée.
Les Francs, les Alamans, les Lombards, présentent le même fait religieux que les Germains, les Saxons et les Angles leurs descendants. Les anciens Prussiens et divers peuples slaves avaient aussi un chêne consacré. Ce chêne se retrouvait à Upsala, et était consacré à Thor, le dieu de la foudre, comme il était chez les Grecs l'arbre de Zeus.

Chez les Scandinaves ces forêts sacrées, consacrées la plupart à Odin, s'appelaient Lund (pl. Lunder). Enfin ces mêmes forêts, ces mêmes chênes se retrouvent jusque chez les populations d'origine finnoise qui occupent les confins orientaux de l'Europe. Les Tchérémisses sacrifient dans les forêts à leur dieu Youma, et plantent un chêne au centre du Keremeth, ou lieu sacré. Ce chêne est pour eux un vrai sanctuaire hypèthre. Les Tchouvaches (région d'Orenbourg) avaient des usages analogues. Non seulement les populations celtes, germaines et scandinaves consacraient les forêts à leurs dieux, elles admettaient encore l'existence de divinités forestières qui faisaient leur séjour dans ces profondeurs ténébreuses, et veillaient sur les arbres. Le souvenir de ces forêts sacrées, hantées par des dieux qui furent transformés en démons, après l'établissement du christianisme, de ces forêts où se réunissaient les Druides, les Semnothées, les Eubages, les prêtres de Thor et de Jupiter réduits plus tard à la condition de magiciens et de sorciers, a fait naître l'idée de ces forêts enchantées, qui occupent une si grande place dans le merveilleux des épopées des temps de chevalerie. En ceci, la forêt de Raiponce réussit à remplir le rôle d'un catalyseur de la magie et du mystère, sans pourtant être décrite ou peuplée outre-mesure. Elle s'impose à nos esprits comme telle simplement du fait de son caractère typique, c'est une forêt que nous avons tous connu enfant, avec quelques cours d'eau, des clairières, de grands arbres noueux, des chemins et des traverses solitaires, des coins fleuris, des rochers couverts de lierre et de mousse. C'est cette forêt, toujours silencieuse, ravissante mais inquiétante, toujours primordiale et indomptée dans laquelle on hésite à porter la hache. C'est surtout, et on le voit lors des panoramiques extérieurs (en approchant du château, par exemple), la forêt touffue, dense, impénétrable, le rideau verdoyant qui enserre le monde telle une mer arborée.

La forêt, dans le Petit chaperon rouge, dans La Belle au bois dormant, Blanche-Neige et les Sept nains comme dans tous les contes traditionnels qui la font intervenir comme cadre du récit, est un lieu toujours dangereux, mais seulement pour celui ou celle qui ne connait pas ses propriétés. La forêt est surtout un monde en dehors du monde des humains, c'est pourquoi sa mise en scène, dans un conte populaire, procède à une mise en abîme nous éloignant toujours plus loin de la réalité connue. N'avez-vous jamais eu le sentiment, en entrant dans une forêt, même de nos jours, que vous vous éloigniez de quelque chose, que vous abandonniez une part de vos connaissances et de vous-même ? C'est lié à l'éternelle et inexpugnable sauvagerie de la forêt, ainsi qu'aux forces naturelles qui la parcourent. Certains humains s'y aventuraient, y vivaient parfois, mais étaient toujours considérés avec méfiance par les autres hommes, et souvent vus comme des sorciers : bûcherons, charbonniers, originaux, guérisseurs. Ainsi, la forêt est inévitablement un monde de la marginalité et de l'éloignement; ce n'est pas pour rien que la taverne des bandits, dans Raiponce, s'y trouve.


La taverne. Celle-ci possède un nom, fait assez rare mais qui, transcendant les règles simples et non formelles du conte, ajoute à la dimension typique, folklorique du paysage. En effet, « Le Canard boiteux » est une vision très goûteuse, pleine de saveur et de charisme, d'une taverne édifiée à une croisée des chemins en pleine forêt, au pied d'un grand arbre. Celui-ci ayant crû et grossi avec le temps, sa masse et ses racines ont entrepris de soulever et de déformer toute une partie de la bâtisse. Le nom vient donc du caractère bancal de la taverne. C'est ici que Flynn Lockwood (alias Eugène Fitzerberg) emmène Raiponce après avoir compris qu'il ne la dissuadera d'effectuer son voyage au royaume qu'en l'effrayant. Car « Le Canard boiteux » est une taverne isolée tout ce qu'il y a de plus habituel : pleine de bandits, de fripouilles, de brigands, de tire-laines et autres mercenaires sanguinaires. En effet, depuis 1393, l'on dit d'une taverne qu'elle est fréquemment mal-famée (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier). On y vient pour manger et pour boire contre quelque argent. La taverne sera, tout au long de l'Histoire européenne, un standard des lieux de vie et d'échange, de voyage et d'étape, au point de devenir une figure centrale de nombreuses œuvres littéraires ou théâtrales.

Ici, l'intérieur de la taverne est un mélange de diverses influences, pas toutes réelles, car l'on y croise aussi bien des peaux d'ours, des têtes de sanglier et autres armes suspendues au mur évoquant une salle basse nordique, que des lustres en fer forgé, un comptoir et des sièges, des tables, des aliments évoquant bien plus l'Europe centrale. Quoi qu'il en soit, on y chante, on y boit, on y rit, jusqu'à ce que Raiponce fasse son entrée. Après un moment de menace et de flottement où tout semble tourner court pour nos deux jeunes héros, la tendance est soudainement inversée et les brigands impitoyables et bestiaux se révèlent être de vrais enfants de chœur qui attendent la réalisation de leur rêve. On découvre alors une taverne beaucoup plus vaste et peuplée qu'au premier abord, et avec un petit effort de visualisation on perçoit les courbes des murs, le soulèvement du plancher à certains endroits à cause de la poussée de l'arbre, les petites loges, les escaliers montant ou descendant. Mais le plus beau vient ensuite. En effet, sous la menace d'une intervention des gardes, l'auberge livre son dernier atout : un passage secret situé derrière le comptoir, qui mène à une carrière désaffectée d'abord, puis à un arbre creux dans la forêt. Ici encore, on retrouve un élément phare de la taverne, à savoir le secret. La taverne a toujours été le lieu de rassemblement, en plus des marchands, des criminels et des aventuriers, des comploteurs, des espions et des rendez-vous politiques. A certaines époques, elle a servi de lieu de stockage à la contrebande (alcools, drogues, etc.), à des mouvements politiques ou apolitiques (armes, munitions, tracts, etc.) ou encore de cachette improvisée. Celle-ci ne déroge pas à la règle, en offrant aux deux protagonistes une voie d'échappatoire inattendue.

La taverne, par ailleurs, par sa localisation (approximative), qui semble proche de la sortie de la forêt, semble aussi un intermédiaire. C'est ici que les gardes se rendent, c'est un point de communication entre l'inconnu de la forêt, et le monde connu du royaume. On ne voit en tout cas pas d'autre trace d'occupation humaine plus avancée. Si ce n'est la tour, où était gardée Raiponce...


Venons-en donc à la tour. Elle semble avoir été le refuge de la Mère Gothel depuis bien longtemps, puisque celle-ci y amène Raiponce sans hésiter, et l'y élève des années durant. La tour est très haute, ne possède qu'une ouverture à sa base : une porte, qui fut murée peu après le rapt. Puis, au sommet, on trouve la partie habitable, sous un toit pointu, le tout formant une flèche mince dont l'extrémité supérieure est telle un bourgeon. La tour est bâtie dans une vallée tenue secrète, où coule une cascade très haute, et à laquelle on accède par le truchement d'un passage secret taillé dans le roc et dissimulé par un épais rideau de lierre. La base est en pierre, tandis que l'habitacle est en pierre et en bois. Les tuiles, de couleur violette, rayonnent gaiement sous le soleil. Quelques fenêtres percent l'édifice, dont la principale qui sert au transbordement de la Mère Gothel. Car celle-ci, comme dans le conte original, utilise Raiponce et sa chevelure pour monter et descendre de la tour. Et lui interdire par là-même de le faire. L'intérieur est divisé en deux étages : la pièce de vie du bas, qui comprend cuisine, une sorte de vaste salon, de petites alcôves, les armoires et autres; les chambres se trouvent en haut d'un petit escalier tournant.

Raiponce, qui cherche toujours à s'occuper, a peint toute seule les murs de l'habitation. Elle y a représenté partout, mais sans le savoir, un soleil flamboyant, qui est aussi une fleur aux pétales déliés. Le violet, que l'on retrouve partout (avec des nuances d'intensité), du toit de la tour (légèrement bleuté) à la robe de Raiponce, en passant par les drapeaux du royaume et la peinture utilisée, est d'après Ken Wilber (A theory of everything, 2000), correspond à la « vision magique et animiste, [au] mode tribal, rituels, parenté, croyance aux esprits ». En général, le violet symbolise la connaissance, la religion, la magie ou le sérieux. Chez les Romains, le violet symbolisait l'unité et le peuple. Ce violet est utilisé en combinaison avec le jaune magistral du soleil, de la lumière, de la vérité. Nous allons y revenir lorsque nous parlerons des visuels. La tour est donc un espace clos, maternel mais étouffant, et permet pourtant à Raiponce d'apercevoir chaque année, infailliblement, les lanternes dans le ciel. La tour incarne ici le Destin, qui se rit des contingences matérielles et surtout qui utilise toujours les moyens les plus inattendus pour que se réalise le sort de chacun. La tour est belle, elle n'est pas négative. Elle n'est pas la complice de la Mère Gothel, même si sa capacité d'emprisonnement semble nous la présenter comme telle. En réalité, encore une fois leçon est prise : en regardant vers les étoiles, et en suivant ses impulsions, comme l'ont toujours fait les peuples aryens, on se retrouve les pieds sur terre, aux racines même de ses origines, sans délaisser la connaissance.

Avant de passer aux personnages, arrêtons nous un peu sur les visuels utilisés, et sur les différents symboles que l'on peut trouver dans Raiponce.

B) Emblèmes et images

Tout d'abord, et c'est bien le plus important de tous, le soleil triomphant que nous avons mentionné, et dont nous avons déjà livré une partie des symboliques liées aux couleurs. Nous avons déjà observé que l'inspiration des contes traditionnels, dont Raspunzel, se passait des croix faîtières et des églises; ici, c'est encore plus fort puisque dans le royaume, bien que ce ne soit pas explicité plus abondamment, la religion semble être de type solaire, indo-européenne. En effet, lorsque Raiponce arrive au royaume pour la première fois, la ville pavoise à l'approche de la fête dédiée au Soleil, couplée avec la commémoration de la disparition de la princesse. La ville est entièrement recouverte de drapeaux et de fanions violets sur lesquels est imprimé un magnifique soleil. Rien de plus normal, puisque Raiponce est l'enfant béni né du breuvage miraculeux, tiré de la fleur que l'on sait. Or, le culte solaire, bien que répandu sous bien des formes partout dans le monde, est un attribut particulièrement récurrent des peuples aryens, particulièrement européens. 

 
En effet, il est clair que ce n’était pas seulement comme une puissance bénéfique, mais aussi comme une puissance redoutée et destructrice, que ce corps céleste était adoré dans les pays chauds. Ainsi dans l’ancienne Égypte le dieu soleil Râ (ou Amon-Râ) était représenté par un homme portant un disque solaire sur sa tête, qui était surmontée par le serpent Uræus. Le reptile symbolisant l’effet foudroyant du soleil a souvent été utilisé au Proche-Orient. Très différente était la situation en Europe Centrale et du Nord, où une quantité suffisante de rayonnement solaire était essentielle pour le mûrissement des moissons. Ici le soleil fut adoré comme une puissance bénéfique dès que l’agriculture devint la ressource principale pendant la période néolithique (+/ – 4000 – 2000 avant J.C.). En conséquence ce furent les anciens Indo-européens, originellement établis dans le bassin du Danube, qui répandirent son culte dans toute l’Europe et même dans d’autres parties du monde. On comprend à quel point la croyance dans le pouvoir créateur du soleil était enracinée dans les esprits de ces premiers Nordiques quand on regarde les ruines des plus grands monuments mégalithiques d’Europe du Nord, le sanctuaire solaire de Stonehenge.

Chez tous les peuples indo-européens, nous trouvons à l’aube de l’histoire le culte de dieux célestes : Dyaus Pitar chez les Indo-aryens, Ahura mazda chez les Perses, Papios chez les Scythes, Zeus chez les Grecs et Dajbog chez les Slaves. Cependant, l’Apollo Phoibos grec (c’est-à-dire l’Apollon « rayonnant »), le Sol Invictus romain (le soleil invaincu) et le Mithra(s) perse et mitannien restèrent d’authentiques dieux solaires. Le caractère anthropomorphique que ces dieux assumèrent avec le temps est un développement ultérieur qui peut être considéré comme une dégénérescence. C'est d'ailleurs certainement une des raisons du succès progressif du christianisme, puisque les grandes religions païennes portées par des civilisations importantes allaient vers l'unification des panthéons (on pouvait le voir à Rome avec le Sol Invictus, mais aussi avec le culte de Jupiter qui aurait été en passe, selon certains universitaires, de former peu à peu un culte unique).
Le culte solaire appartient au monde disparu de l’Age du Bronze nordique, la culture qui fut détruite par les catastrophes naturelles vers 1220 av. J.C. Avec les religions indo-européennes des temps ultérieurs, il avait en commun son caractère de culte de la nature. Aux éléments de l’ancien culte qui se fondirent dans la christianisation chez les Teutons appartiennent les fêtes des solstices d’été et d’hiver, mais aussi un certain nombre de symboles comme la roue solaire et le svastika, reprise par le National-Socialisme. Il se peut aussi que la coutume chrétienne de prier avec les yeux clos soit aussi un vestige de la religion de nos ancêtres, puisqu’il est impossible de regarder le soleil avec les yeux pleinement ouverts.

Il ne faut pas non plus oublier que l'arrivée des peuples indo-européens, et leur imposition de cultes masculins comme celui du Soleil ont triomphé des anciennes pratiques des peuples proto-européens, vouées à l’ancienne Terre Mère chère à la paysannerie néolithique, la déesse qu’ils avaient apportée avec eux depuis les centres de son pouvoir fertile en Méditerranée et au Proche-Orient. Le soleil ou le fils du soleil donne sa semence sous la forme de rayons solaires et féconde la terre, qui, elle, reçoit cette semence et donne naissance à une vie nouvelle. L'ancienneté et l'enracinement profond de ce culte solaire agrarien sont attestés par l'érection de pierres, coutumes encore pratiquées, comme dans la paroisse de Hafling au Tyrol, où le peuple dresse une Sonnenstein (une pierre solaire), sur laquelle figurent un bon-homme-soleil, un arbre de vie, un trèfle et plusieurs serpents symbolisant le cycle annuel. Dans les vallées tyroliennes ombragées, comme l'Ahrntal et le Vinschgau, existait encore la coutume populaire, au début des années 70, d'accourir, certains jours, au devant du soleil levant avec un récipient plein à ras bord de lait. Le culte solaire archaïque a connu son apogée à l'âge du bronze, comme en témoignent les monuments de pierre des Externsteine, de Carnac et de Stonehenge. Ces trois lieux de culte préhistoriques étaient (et sont encore) des lieux cultuels voués au soleil et, en même temps, des agencements très précis permettant l'observation des astres afin de déterminer la date des solstices et d'apprendre un maximum de choses sur la course du soleil.

Ainsi, cette mise en avant du Soleil comme source éminente de la vie est flagrante dans Raiponce, et bien que cela ne constitue jamais qu'une interprétation logique au vu de notre culture et de nos origines, il s'agit d'un baume ragaillardissant en cette période de disette spirituelle et d'honnêteté intellectuelle. De la même manière, la forme circulaire, forme du mouvement perpétuel résultant du déséquilibre et de l'énergie, est très présente, et l'on peut voir encore une fois lors de l'entrée en ville du groupe une ronde populaire se former. La musique, mélange entremêlé habilement de diverses influences, mais globalement plutôt celtique, est entraînante dès le début, et lance Raiponce et la populace dans une gigue endiablée, respirant la bonne humeur et la camaraderie. La scène à elle seule est un petit bijou, en ceci qu'elle ramène à l'esprit la beauté de pratiques disparues et qui pourtant, existaient encore il y a de cela 50 ans. Les danses traditionnelles font presque toutes parties d'un fonds commun européen qui prend sa source au Moyen Âge : la carole, la basse danse et surtout le branle sont à l'origine de la plupart de nos danses traditionnelles. Se diversifiant tantôt en danses collectives (en chaîne ouverte ou fermée), tantôt en danses de couples, tantôt encore en danses solistes (d'hommes ou de femmes), les danses traditionnelles connaissent des formes régionales, voire locales, qui les distinguent l'une de l'autre. Ici, il est difficile de discerner un style en particulier, mais on y retrouve plusieurs éléments divers (bourrée, valse, etc.) qui nous laissent rêveurs devant le dynamisme et la pureté de la scène.

Ce dynamisme et cette pureté sont renforcés par les personnages utilisés; il n'est pas difficile de constater leurs principales caractéristiques, dont nous allons faire un inventaire sommaire.


III- Les personnages : un film sans « taches »


A) Raiponce, princesse aryenne


A l'heure où la mode est frénétiquement aux crépues, aux mystérieuses Orientales, aux Africaines lascives, il est soulageant de voir sortir une production cinématographique qui donne le beau rôle à une splendide jeune fille blonde, surtout lorsque celle-ci n'est pas caricaturée comme une parfaite cruche, en ces temps d'albophobie institutionnalisée. Car Raiponce s'imposer, par la fidélité à son original littéraire, comme un succès graphique. Ses longs cheveux d'or, loin d'être grotesques, lui confèrent une grâce surnaturelle que viennent renforcer des traits fins et harmonieux. Ses grands yeux verts la marquent spontanément, alliés à la blondeur, comme une aryenne de la plus pure ascendance. Son délicat petit nez retroussé achève de rendre son visage angélique. Lorsqu'elle arrange finalement ses cheveux au royaume, c'est en une longue et épaisse tresse délicatement brochée de fleurs des champs de toutes sortes, coiffure qui fait irrésistiblement penser à certains arrangements capillaires exquis de Suisse, d'Allemagne ou d'Alsace. Ses manières, naturellement distinguées et en même temps timides font d'elle le parfait archétype de la jeune fille inexpérimentée mais charmante. Pour finir avec le descriptif physique, qui devrait être bien plus long, Raiponce est relativement mince, et semble posséder un développement hormonal en accord avec une époque passée correspondant approximativement au monde hors du temps du conte (XVIe siècle).

Raiponce est une fille sage, bien éduquée, un peu peureuse à cause de sa longue réclusion, mais qui se révèle finalement aventurière, et surtout dotée d'une volonté très forte, celle d'aller au bout de son rêve. Autant dire, la force dans la flexibilité, la douceur de la conviction. Ce tableau correspond entièrement à l'image littéraire de l'héroïne européenne de l'ère chrétienne, voire même pré-chrétienne (dans la société romaine, on sait par exemple que les femmes les plus puissantes étaient celles qui le laissaient le moins paraître). Raiponce est originale et pleine d'admiration devant le monde nouveau qu'elle découvre. Elle tombe rapidement amoureuse de Flynn Lockwood, faux dur-à-cuire qui se révèle être lui aussi en grande recherche d'affection.

B) Flynn Lockwood, alias Eugène Fitzerberg, héros malgré lui


Flynn, lui, est plutôt beau garçon aussi. Un nez aquilin quelque peu arrogant, une taille et une stature athlétique formées certainement par sa vie de larcins et de fuites devant la maréchaussée, un regard doux et intelligent. Le cheveu brun, un bouc résolument jeune et sa démarche de spadassin sans armes le rendent définitivement attachant, de même que son sens de la dérision. Flynn/Eugène se révèle être un orphelin, qui a grandi dans la misère et qui a toujours rêvé de voyager loin, d'aller au bout du monde, de réussir. Malheureusement, il s'est retrouvé dans le vol de haut niveau, associé à un duo de vrais méchants, les frères Stabbington, deux rouquins colossaux et brutaux. Son dernier forfait en date est donc le vol de la couronne du royaume, suite à quoi le trio s'enfuit dans la forêt, où ils sont poursuivis par les gardes royaux. Flynn/Eugène trahit ses compères et les distance avec la couronne; malgré cela, il est poursuivi par le cheval du capitaine de la garde, nommé Maximum, qui se révèle être un fou-furieux prêt aux dernières extrémités pour le capturer. Il trouve finalement refuge par hasard dans la vallée de Raiponce, où il est finalement fait prisonnier par cette dernière après avoir escaladé la tour et tenté de s'y cacher.

Après avoir accepté de l'accompagner voir les lumières, Flynn/Eugène est décidé à forcer Raiponce à retourner dans sa tour. Mais peu à peu, l'étrange alchimie humaine va avoir pour résultat la transformation des sentiments de Flynn pour la belle. Dans un scénario digne de Roméo et Juliette autant que de Tristan et Iseut, il va affronter la garde du royaume, Maximus (qui deviendra leur allié), les frères Stabbington assoiffés de vengeance ainsi que la Mère Gothel, avant de finir terrassé par cette dernière dans un piège qu'elle lui tend. Fidèle à l'original des frères Grimm, elle utilise les cheveux de Raiponce capturée pour attirer Flynn/Eugène à l'intérieur de la tour, où elle le poignarde. L'instant est dramatique. Raiponce se jette sur lui, l'étreint, et obtient finalement de sa geôlière le droit de le sauver en échange de son obéissance inconditionnelle. Mais Flynn/Eugène la devance et, s'emparant d'un morceau de verre brisé (miroir), tranche dans un geste foudroyant les cheveux de Raiponce. Contre sa vie, il tente de lui offrir la liberté, dans un geste de sacrifice masculin familier aux sagas européennes. La Mère Gothel, par répercussion, est rattrapée par les années qu'elle avait volé, et fait finalement une chute terrible par la fenêtre, dans la lumière crépusculaire d'une fin d'époque magique. Raiponce (devenue donc brune), laissée seule par Flynn/Eugène, est abattue, et pleure son amour disparu. Une de ses larmes ruisselle sur le corps du mort, où commence à se former une lueur confuse, indistincte; puis se dessine une fleur rayonnante, qui envahit la pièce d'une lumière solaire, et qui résorbe la blessure de Flynn tout en lui rendant la vie.

En ce sens, Flynn/Eugène n'est pas un anti-héros, mais bien un héros malgré lui, et un homme bon malgré ses rodomontades et ses vanteries des premières heures du film. Il sera accepté en tant que tel dans la famille royale, dans d'émouvantes retrouvailles.

C) Le roi et la reine, icônes absolues des bons souverains


Le roi constitue le parangon de la vertu monarchique; tant dans son caractère que dans ses traits. Grand, puissant mais doux, il a un regard aimant et intelligent. Son élégance dénote le goût, son haut front la sagesse, son nez fort la stabilité et la sincérité. Comme tout homme bon de la tradition européenne, il est barbu, une barbe qui lui confère autorité et gentillesse, de même que la « barbe fleurie de Charlemagne ». Ses gestes mesurés dénotent le contrôle, sur soi comme sur autrui, et la responsabilité qui en découle. La reine, petite, femme aimante et fidèle, accompagne son mari silencieusement, le supportant toujours, avec une délicatesse et une tendresse qui serrent le ventre, surtout lorsqu'ils s'apprêtent à lancer la lanterne qui donnera le signal à tout le royaume. Le regard triste du roi est à ce moment d'une violence et d'une insondable douleur, telle que l'on ne peut que s'unir aux émotions qui suivent et qui sont subtilement amenées.
Car ce qui est beau dans ce passage, au delà du rendu visuel, c'est bel et bien ce qui y est manifesté, une communion et une unité entre le peuple et son roi, sa reine qui est totale, sans limite et motivée par le cœur. Chaque habitant, à la suite du roi et de la reine, laisse s'envoler une lanterne, ce qui illumine progressivement la ville dans un embrasement hypnotique, lent et grave, et qui laisse une image fantastique de ce soutien populaire à ses dirigeants. Partout, dans les rues, sur les remparts, dans le port, sur les navires, alentours, on laisse partir sa lanterne, minuscule loupiote dans l'obscurité, tenace preuve d'espoir face à l'obscurité de l'incertitude. C'est une des plus belles visions du film en réalité, à laquelle on peut rajouter la fin, cette fin où le roi et la reine apprennent le retour de leur fille disparue : ils se précipitent alors vers leur Raiponce, qui leur est enfin rendue. Le fait que le roi comme la reine soient des protagonistes totalement silencieux n'est pas anodin, et renforce l'effet de gravité, de sérieux et d'amour qui se dégagent d'eux.

D) Les autres et l'absence des « Autres »

Pour conclure sur cette partie liée aux personnages, il faudra se contenter de rajouter que tous les personnages, du premier au dernier, sont Blancs. Que cela ne serait pas une satisfaction si nous n'étions pas dans ces temps de crise où, dans chaque production destinée à la diffusion de masse, il importe de placer un gentil représentant de la diversité mondiale, un étranger anonyme qui sauvera la situation, ou même un héros complètement hors de propos vis-à-vis de la trame scénaristique (comme Will Smith dans I am Legend, comme les acteurs noirs que l'on avait rajouté dans Robin Hood, comme ceux que l'on veut imposer dans les séries rurales anglaises, ou encore comme les abus et exagérations flagrants de American History X). Ici, pas de marchand de tapis qui dans un ricanement prodigue des conseils utiles à ses compères; pas d'ancien esclave noir à la langue coupé qui, malgré son mutisme, va guider ses compagnons vers une rédemption spirituelle; pas de Juif grimaçant, pas de Sarrasin présent depuis le VIIIe siècle en train de travailler au pavement de la route. Bref, un paysage monocolore, reposant, beau, serein, malgré les conflits qui s'y trament, animés par quelques individus.


Encore une fois, il faut regarder la scène de l'arrivée au royaume, celle de l'envolée des lanternes ou encore celle de la fête du retour de Raiponce pour bien comprendre ce qu'esthétiquement et idéologiquement parlant ça veut dire : une fraternité recomposée de Blancs européens seuls maîtres chez eux, qui s'y livrent à l'industrie, au commerce, au labeur et au compagnonnage, sans oublier de s'amuser dans le respect de l'ordre. L'image est si belle que l'on pourrait la contempler des heures durant. Même la Mère Gothel qui, en tant qu'élément super-négatif de l'histoire, pourrait être représentée sous des formes moins attirantes, est une superbe latine brune, aux grands yeux noirs, aux lèvres pulpeuses et abondamment maquillées et aux courbes généreuses. Les frères Tabbington, eux, ont tout des Irlandais/Écossais massifs; Flynn/Eugène, lui est nettement Allemand; quant au roi et à la reine, ils sont indubitablement de type français. Les bandits constituent le seul conglomérat difficilement identifiable, mais là encore constitués de Nordiques, de Slaves et possiblement d'un Eurasien (type légèrement hunnique). En ceci, comme en fonction de tous les autres points, nous affirmons encore qu'il s'agit d'un film purement européen, et qu'il est bon pour tout européen de voir, pour la simple homogénéité culturelle et raciale qui y est présentée.


CONCLUSION :

Raiponce, en tant que film d'animation monté par Disney pour le grand public, fut une réussite financière (près de 600 000 000 de dollars au niveau mondial) et graphique. Néanmoins, il s'agit pour nous d'un grand et beau film d'animation pour des raisons d'esthétique, mais aussi d'attachement, certainement pas volontaire, ou en tout cas pas formulé ainsi, à l'Europe, à ses racines et à ses traditions. A l'heure de paupérisation des esprits, d'avilissement des mœurs et d'enlaidissement des standards sociétaux, nous exhortons tout un chacun à regarder ce film et à se demander, en toute sincérité et au delà de toute réaction infantile de gêne, si il ne fait pas partie des choses les plus belles et les plus intenses qu'il ait vu ces dernières années. Car ce film, non content d'offrir des rendus visuels définitivement européens, comme nous l'avons montré, dans leur signification comme dans leur apparence, est plein d'idées européennes. En effet, il valorise toujours le courage, l'amour, la passion, la beauté d'un gouvernement monarchique équilibré et il envoit comme message la recherche des origines, l'amour de ses racines. Peut-être malgré lui, ce film respire la liberté, il respire les rayons du soleil bienfaisant traversant les futaies et baignant la sylve, il apporte bonne humeur et optimisme. Et Dieu sait que c'est bien ce dont nous manquons dans nos rangs. Nous vous appelons donc à regarder ce film d'animation, et à le regarder vite; il est certain que ses séquences sauront vous émouvoir, vous faire soupirer plus d'une fois, ou vous tirer au moins un sourire de satisfaction. Raiponce, un début de réponse ?